On a passé une journée sous le sweat « La Manif pour Tous »
Au risque d’être arrêté, ou de se prendre un procès-verbal pour port de sweat interdit, Rue89 (enfin, deux victimes désignées) s’est promené une journée dans Paris et sa banlieue, en portant le pull « La Manif pour tous ».
A écouter les organisateurs des manif pour tous, les porteurs de ces T-shirts ou sweat déclencheraient des réactions intolérantes, voire policières. Malgré nos efforts, ce jour-là, personne n’a vraiment fait attention à nous.
En ce mardi 18 juin, à cause de la chaleur, nous revêtons l’habit à tour de rôle, un le matin et l’autre l’après-midi – malheureuse idée d’avoir demandé un sweat et non un T-shirt.
A Versailles, en terres conquises
En terres conquises à la cause anti-« mariage pour tous », nous commençons par Versailles, ville qui prend le bus et va au marché le mardi matin.
Place du marché, où ont eu lieu nombre de veillées et rassemblements, une femme se retourne après nous avoir dépassés, un gamin nous observe bouche entrouverte. Un marchand de légumes jette quelques regards insistants sur le logo, avant de nous regarder les yeux dans les yeux.
Certains détournent la tête, d’autres sourient, mais rien de plus que des réactions à peine perceptibles, qui nous font déjà douter d’un éventuel « effet sweat “La Manif pour tous” ».
Au Trocadéro, les touristes n’y font pas attention. Dans le bus 63 jusqu’à l’Assemblée nationale, un jeune toise le vêtement durant tout le trajet. Rien de plus. Pas de réaction particulière ni devant le palais Bourbon et ses policiers, ni rue de Solférino et ses politiciens, au siège du PS. Paris s’en fout.
Dans un parc près de la station Sèvres-Babylone, seul un groupe de quatre jeunes le remarque et évoque par la suite les interpellations de manifestants. Au moins le sweat a lancé un sujet de conversation.
Le sweat interdit dans les lycées catholiques
Rue de la Convention, rue de Vaugirard... En une matinée, une quinzaine de regards mais pas une seule remarque. Changement de porteur au moment du déjeuner, il est 15 heures, il fait chaud et c’est le moment du bilan : nous marchons tranquillement dans les rues de la capitale, au moment où le moindre signe d’appartenance à La « Manif pour tous » est sujet à polémique.
Sur le Web, plusieurs personnes témoignent d’une répression « abusive » dont elles auraient été victimes dans la rue, qu’elles affirment retrouver dans la volonté de la part de certains lycées catholiques d’interdire le port de ces sweats, afin de « n’arborer dans l’enceinte de l’établissement aucun signe susceptible d’entraîner une division au sein des classes ou des groupes », indique Ouest France.
Nous sollicitons tout de même la serveuse d’un restaurant, qui ne reconnaît pas le logo. Un autre serveur se mêle à la conversation, et raconte que quelques drapeaux à l’effigie de la « Manif pour tous » flottaient encore récemment sur des façades d’immeubles, en écho peut-être à celui qui a remplacé le drapeau tricolore dans une école du quartier.
Dans le quartier gay, trois bouches bées
Direction Alésia. Le constat est le même que ce matin dans les quelques boutiques que nous parcourons. Un petit tour à Ivry-sur-Seine, un demi-tour à Bastille, toujours rien.
Nous terminons par les abords du Marais, quartier gay de la capitale. Rue Vieille du Temple, les regards se font plus pressants, plus noirs, et le pull coupe la conversation de trois jeunes passantes, bouches bées.
Pas de jet de tomates, pas de pouce levé pour nous féliciter, pas de garde à vue non plus. Une journée avec un sweat « La Manif pour tous » sans provocation d’un côté comme de l’autre, c’est possible. Hasard d’une journée ou combat qui s’essouffle ?
source:rue89.com