Cameroun : La vie d’un activiste gay tourne au feuilleton tragique
Jacques 29 ans, est le président de l’association Acodévo Océan à Kribi, une organisation à base communautaire LGBT. Depuis 2012 qu’il milite, le pauvre multiplie des séries de coups violents et d’attaques en raison de son activisme et sa différence.
C’est une sombre et honteuse histoire où se mêlent des motivations de vengeance, de
l’arnaque, du chantage, du piège et de l’abus de la procédure légale, sur fond d’homophobie que Jacques a subi. Subi une fois de plus, mais certainement pas de trop pour ses bourreaux qui se recrutent nouvellement chaque jour, même dans des sources insoupçonnées.
L’affaire remonte au mois de février 2015. Jacques se retrouve derrière les murs du commissariat central de Kribi après une folle histoire dans laquelle il a risqué de peu sa vie.
En fait, c’est un certain Alain Giresse, 35 ans, ancien membre d’Acodévo Océan, dont Jacques est le président, qui a décidé d’en finir avec lui. Une personne au caractère instable dont les membres d’Acodévo avaient préféré se séparer parce qu’ils trouvaient son comportement suspect. Néanmoins, Jacques avait gardé le contact avec lui, et il continuait souvent de se voir dans le cadre privé.
L’histoire qui a perdu Jacques
Le 14 février, Alain fait appel à Jacques disant que sa mère a eu un AVC (accident vasculaire cérébral), et qu’il veut un prêt d’argent. Jacques ne peut répondre favorablement à sa demande.
Le 27 février, il relance Jacques en lui disant qu’il a faim. Il le fait venir chez lui et lui remet la somme de 2000 FCFA (environ $4).
Le lendemain, Alain appelle à nouveau Jacques, et l’invite dans son quartier. Il est 22 heures du soir ce jour- là. Il demande à Jacques 3000 FCFA (environ $ 6) et lui promet de le remercier en nature si jamais il les lui donne. Jacques lui fait savoir qu’il n’a pas d’argent. Néanmoins, ils auront une partie d’intimité ce soir-là.
Coup de théâtre, au moment de raccompagner Jacques, Alain revient à la charge et demande à nouveau à Jacques cet argent. Jacques lui réitérant que ce n’est pas possible, Alain devient violent vis-à-vis de Jacques.
Il alerte le quartier criant que Jacques est « pédé ». Voyant un mouvement populaire se former et craignant sérieusement le pire pour sa vie, Jacques demande à ce qu’ils aillent au commissariat pour échapper à la vindicte populaire.
Au commissariat, Alain Giresse fait des déclarations aussi graves que mensongères : Il raconte que Jacques est homosexuel, qu’il l’a forcé de coucher avec lui alors qu’il lui avait avoué qu’il revenait d’une autre partie de sexe avec quelqu’un autre, mais qu’il n’était pas satisfait … et que par conséquent, il l’a harcelé . Une version grotesque puisque Alain avec son 1,80m, est physiquement imposant par rapport à Jacques et c’est en plus un ancien pratiquant d’arts martiaux. Il dit également aux policiers que Jacques est le président d’une association qui célèbre le mariage entre des personnes de même sexe. Ce qui est une pure aberration, car Acodévo Océan est une association, certes à base communautaire, mais qui œuvre dans la lutte contre le VIH et la protection des droits des LGBT.
Toujours est-il qu’au pays de « la dictature du 347 bis » (i), cette histoire c’est du pain béni pour les forces de l’ordre.
En effet, Jacques est placé en détention. Tard dans la nuit, il est conduit à l’hôpital par l’enquêteur en charge du dossier, le dénommé Mabola, pour subir des examens intrusifs de la marge annale afin, comme c’est l’habitude des forces de l’ordre au Cameroun, de confirmer l’homosexualité de Jacques.
A l’hôpital, autour de 1 heure 30 minutes, Jacques va subir un autre revers. Une infirmière qui le reconnait, ne se gêne pas pour crier en pleine cour de l’hôpital, que Jacques est homosexuel, et qu’il est d’ailleurs séropositif, qu’il vient souvent dans cet hôpital pour recevoir des soins. Ce que Jacques conteste d’ailleurs !!!
Au final, les médecins dans leur diagnostic, confirment que Jacques est homosexuel.
Au commissariat, ce n’est que le lendemain que l’on autorise Jacques à prévenir sa famille. Quand ses proches arrivent, ils trouvent qu’Alain Giresse a déposé la plainte avec pour motif : « Agression et constatation des faits ; harcèlement ».
Il déclare qu’il a perdu un téléphone d’une valeur de 250.000 FCFA (environ $ 550), et exige des dommages et intérêts à hauteur de 50.000 FCFA ($ 110).
Le bourreau Alain Giresse et les forces de l‘ordre réussiront dans ce cas encore leur coup, puisque la famille de Jacques paye toutes ces sommes pour que le pauvre soit libéré.
Une troublante histoire qui vient encore démontrer la vulnérabilité des gays au Cameroun où, sur simple dénonciation de n’importe quel arnaqueur et maitre chanteur, sans aucune preuve de quoi que ce soit, l’on peut se retrouver dans une cellule ou parfois en prison.
Pour le cas particulier de Jacques, cette affaire n’est en fait qu’un épisode de la longue série de coups durs qu’il essuie depuis. En novembre 2012 par exemple, il avait été renvoyé du collège où il enseignait après que des gendarmes de la ville de Kribi soient allés le dénoncer qu’il est homosexuel, et donc, un danger pour les élèves. En fait, Jacques avait pris part à un atelier de plaidoyer en direction des forces de l’ordre pour les sensibiliser pour la mise en œuvre en toute sécurité des actions du projet « Fonds Mondial ». Un atelier organisé à l’époque par la Camnafaw, sous-récipiendaire du Fonds Mondial.
En outre, ce sont des agressions que lui ou les membres de sa jeune association, tous autant courageux les uns que les autres subissent de façon quasi permanente. D’ailleurs, l’on se souvient que pour une fallacieuse histoire de dénonciation pour homosexualité aussi, l’un d’eux, Benoit K., fut condamné à un an de prison avec sursis en juillet 2012.
Note (i) Titre du rapport annuel 2014 des violations des droits humains dans la ville de Yaoundé, produit par l’association Humanity First Cameroon