Portrait de Franck Riester, cet UMP favorable au "mariage pour tous"
L'ambiance est électrique mais le calme revient. Franck Riester, 39 ans, monte à la tribune de l'Assemblée nationale. Le député de Seine-et-Marne, qui est – avec Benoist Apparu – le seul député UMP à avoir annoncé qu'il voterait le projet de loi du "mariage pour tous", s'apprête à exposer ses arguments au deuxième jour du débat, mercredi 30 janvier. Chacun l'écoute avec respect saluer un texte "historique" après avoir déjà voté, en juin 2011, une proposition de loi PS en ce sens.
Selon lui, le texte ouvre un droit aux couples de même sexe sans en enlever aucun aux autres, et permet de mieux protéger les enfants qui grandissent déjà dans les familles homoparentales. Unique député UMP largement applaudi par ceux de la majorité, il est aussi le seul à avoir voté contre la motion déposée par son parti pour réclamer un référendum. Et a le plus franchement condamné la présence de certains de ses collègues à la grande manifestation anti-mariage gay, le 13 janvier.
Quinze ans après avoir été la seule députée de droite à voter le pacs, Roselyne Bachelot comprend et soutient la croisade de Franck Riester. "Cela me rappelle ma situation. Quand on est seul à défendre un point de vue dans son propre camp, on souffre de solitude", explique-t-elle. Lui veut croire que "le débat et la pédagogie font avancer les mentalités, on y arrive en argumentant". Cela ne l'a pas empêché de se faire brièvement siffler lors de la convention UMP sur la famille, le 24 janvier.
Une routine pour celui qui se dit de droite en économie et aurait pu être de gauche sur les sujets sociétaux : "L'adversité est une forme de motivation supplémentaire quand on sait que ses arguments sont les bons." Et, assure Mme Bachelot, "le temps nous rendra justice".
COURAGEUX "COMING-OUT"
Sorte d'ovni au sein de sa propre famille politique, cet homme pressé aux cheveux poivre et sel est le premier député UMP à avoir fait son "coming out". Et l'un des rares homosexuels revendiqués parmi les 577 députés de l'Assemblée. En décembre 2011, le maire de Coulommiers (Seine-et-Marne), qui partage sa vie avec un enseignant, décide de révéler son orientation sexuelle dans son journal local à la suite d'une attaque maladroite d'un opposant lors d'un conseil municipal.
L'acte ne manque pas de courage, venant d'un élu d'une ville provinciale de près de 15 000 habitants, dont une bonne partie de retraités. S'il "n'exclut pas" de se marier ou d'adopter, il ne veut pas être réduit à son homosexualité. La politique reste le seul domaine sur lequel il accepte d'être jugé.
Cet ambitieux, ayant grandi à Coulommiers dans une famille de notables, y a pris goût très vite. A 10 ans, il écrit des lettres ouvertes à François Mitterrand et prend sa carte au RPR sept ans plus tard. En 1995, ce diplômé de gestion, qui dirige six concessions automobiles de 150 salariés, fait son entrée dans la cour des grands. Le chiraquien Guy Drut, baron local, le prend sous son aile. M. Riester devient son successeur naturel.
DANS LA ROUE DE M. COPÉ
Aux législatives de 2007, leur relation quasi filiale explose. L'ex-ministre ne soutient pas son poulain qui parvient tout de même à se faire élire, devenant à 33 ans le benjamin des députés UMP. Neuf mois plus tard, il double la mise en devenant maire de Coulommiers, avant d'être réélu aux législatives de 2012. Estimant avoir été trahi, Guy Drut ne lui a jamais pardonné de l'avoir dépossédé de ses deux mandats. Depuis 2007, l'ex-champion olympique n'a plus adressé la parole à celui qu'il qualifie de "Brutus" et de "mauvais souvenir".
M. Riester se met alors dans la roue de Jean-François Copé, lui aussi élu de Seine-et-Marne. Ils s'apprécient, voient chacun le potentiel de l'autre, et leur intérêt à s'allier. "J'ai toujours veillé à ce que les choses avancent bien pour lui", confie M. Copé. Alors chef de file des députés UMP, il le nomme rapporteur des deux projets de loi Hadopi, en 2009. Malgré quelques divergences, M. Riester reste fidèle à M. Copé.
Certains notent l'ambition ou le goût pour les médias de ce bon orateur, affable et souriant, aux allures de premier de la classe. "C'est le gendre idéal !", plaisante Mme Bachelot. On loue sa maîtrise des dossiers techniques. "C'est un gros bosseur", reconnaît le député PS Patrick Bloche.
Prudent, celui dont le nom avait circulé pour devenir secrétaire d'Etat à la communication lors du dernier quinquennat ne veut pas brûler les étapes. Le 24 octobre 2012, il esquisse un sourire gêné quand l'ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin lance devant 300 personnes à Coulommiers : "Voici Franck Riester, un futur ministre !"
Source : lemonde.fr