Pour la première fois, cet Amiénois devrait raconter à un psychiatre comment il a été vendu à un proxénète lorsqu’il n’avait que onze ans.
Au tribunal, on juge les personnes en fonction de la gravité des faits qui ont été commis, mais aussi en fonction de la personnalité du prévenu.
Ce vendredi après-midi, un homme était dans le box pour avoir volé des cigarettes électroniques dans un commerce d'Amiens. La justice lui reproche également un vol à la roulotte et un autre dans un hypermarché.
Son avocat, Me Jean-Claude Broutin a demandé et obtenu de droit un délai pour préparer la défense. La raison ? Il a demandé une expertise psychiatrique de son client.
Pour la première fois, l'Amiénois devrait expliquer à un médecin comment il en est arrivé là, pourquoi il a sombré dans la drogue dure, dans un mal-être qui l'a conduit à commettre des délits.
Il le soutient aux juges : « Ces vols-là, je les reconnais, mais ça ne me ressemble pas. J'ai comme l'impression que c'est un autre qui agit à ma place. »
Il retrouve son père en prison
Et les juges de découvrir, par la voix de Me Broutin l'incroyable et horrible passé de ce trentenaire.
Sa vie a basculé à l'âge de 11 ans : « Ses parents le vendent à un proxénète homosexuel. » Son adolescence est donc réduite à la prostitution.
Las, à 16 ans, le jeune homme veut se sortir de cette situation. « Il veut une protection judiciaire », explique son avocat. Mais l'Amiénois fait un terrible mauvais choix. Il ne dénonce pas les faits, mais souhaite aller en prison pour se libérer du proxénète. Sur la voie publique, il viole une vieille dame (introduction d'un doigt par dessus les vêtements). Son vœu est exaucé : il est condamné à trois ans de prison. Mais son calvaire n'est pas fini : en prison, il tombe sur son père, lui aussi incarcéré !
À sa libération, il retombe sous la coupe du proxénète, qui l'oblige à commettre des délits. Il se fait interpeller, et c'est à ce moment qu'il rencontre son avocat. Et pour la première fois, il raconte son histoire à quelqu'un.
Me Broutin dénonce les faits. Après enquête, le proxénète est condamné à 15 ans de réclusion criminelle devant la cour d'assises de l'Oise, peine qui sera confirmée en appel. Le jeune Amiénois, lui, a sombré dans l'héroïne. Il fera trois tentatives de suicide.
Il essaie malgré tout de s'en sortir, fonder une famille, travailler, etc. Seulement, la tâche est rude, l'homme n'ayant jamais parlé de son passé à un médecin, pour qu'il puisse être épaulé.
Avant son procès, ça devrait donc être chose faite.
En attendant, les magistrats ont décidé de le placer en détention provisoire. Ils devraient avoir toutes les cartes en main pour le juger, le 22 mai prochain.
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