« Je suis gay et je suis pauvre : sortez-moi de là ! »
Dans la collection des clichés préférés des hétéros vis à vis des gays, il y a celui-ci : les homos sont forcément des mecs à la pointe de la mode, des types aisés qui consomment à mort. Ben oui, les gays, c’est bien connu, sont plus créatifs, n’ont pas d’enfants et ont tous des jobs de rêve qui leur permettent de mettre de l’argent de côté pour aller se dorer la pilule à Mykonos chaque été. Euh… non, en fait. Ca se passe comment quand on est gay et « pauvre » ?
Un monde gay hors de portée
Nicolas vit dans une petite ville en Lorraine. Il a une vingtaine d’années, est étudiant, vient d’une famille « modeste ». Il s’en sort avec sa bourse et l’aide de ses parents mais ne peut se permettre ce qui à ses yeux sont « des folies ». Il nous explique : « J’avais rencontré par des applis des mecs pour devenir amis. Mais très vite j’ai senti que le fait de ne pas avoir assez d’argent pour aller faire la fête le samedi soir était un frein. Je n’ai pas de quoi me payer des soirées super alcoolisées dans les bars ou les boites gays. Parfois je m’en sors en me faisant payer des verres par des mecs plus âgés mais ça me gêne. D’ailleurs, quand on a mon âge, les mecs plus âgés sont toujours un peu suspicieux si je les drague, ils ont peur que je m’intéresse à eux pour leur argent… Je ne sors pas beaucoup, je passe mon temps à faire attention et à économiser. Du coup, ça diminue les chances de rencontrer les gens, on me snobe. Je passe par les applis mais je vis en coloc et je ne peux pas recevoir. Je ne suis pas dans un quartier aisé et facile d’accès donc souvent je m’entends dire que je vis trop loin, que c’est pas pratique… Bref, je rame ».
Ce qui fatigue le plus Nicolas c’est ce monde gay dont parlent les médias, qui lui semble complètement hors de portée : « Je n’en peux plus de voir tous les médias gays faire la promo de fringues que je ne peux pas m’acheter, de spectacles et de soirées qui me sont inaccessibles. C’est comme la presse féminine : on nous vend un mode de vie que la plupart d’entre nous ne peut pas se permettre de s’offrir. Je n’ai pas la thune pour aller au club de gym, manger bio, danser à la dernière soirée PD à la mode, songer à un voyage à San Francisco ou porter des sous-vêtements du type Le slip français. Du coup j’en viens à un rejet de cette « culture gay » où tout est si cher et inaccessible ». Cette situation rappelle à notre interlocuteur ses années collège : « C’est comme quand tu as 13 ans et que les gens ne veulent pas traîner avec toi parce que tu n’as pas le dernier pull avec la marque qu’il faut, c’est tellement bête et superficiel ! Désolé, j’ai pas d’argent à dépenser dans des fringues de hipster, j’ai le même pull basique H&M que tout le monde, je me fais mon stock de capotes à la Gay Pride parce qu’on en trouve des gratuites, j’ai jamais pu m’acheter un truc dans un sexshop parce que t’as presque rien pour moins de 30 euros… ».
40 ans, toujours en galère…
Résidant en banlieue parisienne, Henri, la bonne quarantaine, partage la même lassitude. Il vit dans un petit studio depuis plus de 10 ans : « Je rêverais de vivre près du Marais mais c’est devenu tellement cher ! Plus j’y vais et plus je me sens désespéré. Maintenant le quartier est infesté de bobos avec leurs poussettes et de magasins de luxe, c’est terrifiant. Et le prix des consommations dans les bars, n’en parlons même pas ! C’est de pire en pire ». Quand on lui parle de ce qui tracasse Nicolas, Henri rigole : « J’espère que ça va s’arranger pour lui. Il est encore jeune, il a sa chance. Moi je n’ai pas eu une vie très facile, j’ai fait des mauvais choix. J’ai préféré l’amour à une carrière, je n’ai jamais eu beaucoup d’ambitions. Aujourd’hui, je le regrette. Les gens n’imaginent pas comme c’est dur d’être un homo de quarante ans qui n’est pas « bien installé ». Je n’intéresse pas les jeunes mecs car pour eux j’ai raté ma vie puisque je ne vis pas dans le centre de Paris et que mon studio fait la même taille que le leur. Les hommes de mon âge me disent que je ne les fait pas rêver, ils me trouvent faible. Faire rêver et fantasmer aujourd’hui semble lié à ce que l’on a sur son compte en banque, c’est triste. Mon dernier copain, en rompant, m’a ouvertement reproché qu’il ne pouvait avoir une vie « sympa » avec moi car je n’avais pas assez d’économies pour faire un beau voyage avec lui. On nous scande que l’argent ne fait pas le bonheur mais quand on vit avec peu, on se sent vraiment à part dans la communauté gay, isolé. Si à 40 ans tu n’as pas de fric et que tu n’es pas un daddy avec de l’assurance, c’est difficile de draguer, surtout si on a un physique ordinaire ».
Henri va jusqu’à qualifier de « parcours du combattant » le fait d’être gay et de vivre modestement. « On me reproche non seulement sur les sites de rencontres d’être trop vieux mais aussi de vivre trop loin, de ne pas être capable de prendre un taxi pour aller chez quelqu’un (je n’ai pas le permis). Je cherche du sérieux mais je ne sais plus comment faire pour être honnête. Quand un mec me propose de le rencontrer, il suggère d’aller au resto. Mais je ne peux pas me faire un resto tous les week end moi ! Les agences de rencontres sont hors de prix aussi… ». Selon lui, l’argent reste omniprésent dans les esprits : « Quand tu rencontres un mec, une des premières questions qu’il te pose c’est « Tu fais quoi dans la vie ? ». Avec moi ils comprennent que ce n’est pas forcément la joie et du coup ils ne trouvent pas ça sexy. Je perds d’emblée des points ».
Nicolas comme Henri regrettent qu’ils n’existent pas davantage d’événements, à Paris comme « en Province », qui feraient le pari de la convivialité et de la gratuité. Ils ne se reconnaissent pas dans la représentation de l’homosexuel moyen que l’on trouve dans les films, les médias et les magazines. Ils ne sont pas bobos et cherchent l’amour ou le plaisir tout en devant au quotidien se demander comment boucler le mois. Nicolas conclut : « Quand t’as pas d’argent et que t’es gay, tu passes pour un loser ». Gay et pauvre, une malédiction ?
djizz.com
Un monde gay hors de portée
Nicolas vit dans une petite ville en Lorraine. Il a une vingtaine d’années, est étudiant, vient d’une famille « modeste ». Il s’en sort avec sa bourse et l’aide de ses parents mais ne peut se permettre ce qui à ses yeux sont « des folies ». Il nous explique : « J’avais rencontré par des applis des mecs pour devenir amis. Mais très vite j’ai senti que le fait de ne pas avoir assez d’argent pour aller faire la fête le samedi soir était un frein. Je n’ai pas de quoi me payer des soirées super alcoolisées dans les bars ou les boites gays. Parfois je m’en sors en me faisant payer des verres par des mecs plus âgés mais ça me gêne. D’ailleurs, quand on a mon âge, les mecs plus âgés sont toujours un peu suspicieux si je les drague, ils ont peur que je m’intéresse à eux pour leur argent… Je ne sors pas beaucoup, je passe mon temps à faire attention et à économiser. Du coup, ça diminue les chances de rencontrer les gens, on me snobe. Je passe par les applis mais je vis en coloc et je ne peux pas recevoir. Je ne suis pas dans un quartier aisé et facile d’accès donc souvent je m’entends dire que je vis trop loin, que c’est pas pratique… Bref, je rame ».
Ce qui fatigue le plus Nicolas c’est ce monde gay dont parlent les médias, qui lui semble complètement hors de portée : « Je n’en peux plus de voir tous les médias gays faire la promo de fringues que je ne peux pas m’acheter, de spectacles et de soirées qui me sont inaccessibles. C’est comme la presse féminine : on nous vend un mode de vie que la plupart d’entre nous ne peut pas se permettre de s’offrir. Je n’ai pas la thune pour aller au club de gym, manger bio, danser à la dernière soirée PD à la mode, songer à un voyage à San Francisco ou porter des sous-vêtements du type Le slip français. Du coup j’en viens à un rejet de cette « culture gay » où tout est si cher et inaccessible ». Cette situation rappelle à notre interlocuteur ses années collège : « C’est comme quand tu as 13 ans et que les gens ne veulent pas traîner avec toi parce que tu n’as pas le dernier pull avec la marque qu’il faut, c’est tellement bête et superficiel ! Désolé, j’ai pas d’argent à dépenser dans des fringues de hipster, j’ai le même pull basique H&M que tout le monde, je me fais mon stock de capotes à la Gay Pride parce qu’on en trouve des gratuites, j’ai jamais pu m’acheter un truc dans un sexshop parce que t’as presque rien pour moins de 30 euros… ».
40 ans, toujours en galère…
Résidant en banlieue parisienne, Henri, la bonne quarantaine, partage la même lassitude. Il vit dans un petit studio depuis plus de 10 ans : « Je rêverais de vivre près du Marais mais c’est devenu tellement cher ! Plus j’y vais et plus je me sens désespéré. Maintenant le quartier est infesté de bobos avec leurs poussettes et de magasins de luxe, c’est terrifiant. Et le prix des consommations dans les bars, n’en parlons même pas ! C’est de pire en pire ». Quand on lui parle de ce qui tracasse Nicolas, Henri rigole : « J’espère que ça va s’arranger pour lui. Il est encore jeune, il a sa chance. Moi je n’ai pas eu une vie très facile, j’ai fait des mauvais choix. J’ai préféré l’amour à une carrière, je n’ai jamais eu beaucoup d’ambitions. Aujourd’hui, je le regrette. Les gens n’imaginent pas comme c’est dur d’être un homo de quarante ans qui n’est pas « bien installé ». Je n’intéresse pas les jeunes mecs car pour eux j’ai raté ma vie puisque je ne vis pas dans le centre de Paris et que mon studio fait la même taille que le leur. Les hommes de mon âge me disent que je ne les fait pas rêver, ils me trouvent faible. Faire rêver et fantasmer aujourd’hui semble lié à ce que l’on a sur son compte en banque, c’est triste. Mon dernier copain, en rompant, m’a ouvertement reproché qu’il ne pouvait avoir une vie « sympa » avec moi car je n’avais pas assez d’économies pour faire un beau voyage avec lui. On nous scande que l’argent ne fait pas le bonheur mais quand on vit avec peu, on se sent vraiment à part dans la communauté gay, isolé. Si à 40 ans tu n’as pas de fric et que tu n’es pas un daddy avec de l’assurance, c’est difficile de draguer, surtout si on a un physique ordinaire ».
Henri va jusqu’à qualifier de « parcours du combattant » le fait d’être gay et de vivre modestement. « On me reproche non seulement sur les sites de rencontres d’être trop vieux mais aussi de vivre trop loin, de ne pas être capable de prendre un taxi pour aller chez quelqu’un (je n’ai pas le permis). Je cherche du sérieux mais je ne sais plus comment faire pour être honnête. Quand un mec me propose de le rencontrer, il suggère d’aller au resto. Mais je ne peux pas me faire un resto tous les week end moi ! Les agences de rencontres sont hors de prix aussi… ». Selon lui, l’argent reste omniprésent dans les esprits : « Quand tu rencontres un mec, une des premières questions qu’il te pose c’est « Tu fais quoi dans la vie ? ». Avec moi ils comprennent que ce n’est pas forcément la joie et du coup ils ne trouvent pas ça sexy. Je perds d’emblée des points ».
Nicolas comme Henri regrettent qu’ils n’existent pas davantage d’événements, à Paris comme « en Province », qui feraient le pari de la convivialité et de la gratuité. Ils ne se reconnaissent pas dans la représentation de l’homosexuel moyen que l’on trouve dans les films, les médias et les magazines. Ils ne sont pas bobos et cherchent l’amour ou le plaisir tout en devant au quotidien se demander comment boucler le mois. Nicolas conclut : « Quand t’as pas d’argent et que t’es gay, tu passes pour un loser ». Gay et pauvre, une malédiction ?
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