Hollywood a toujours un problème avec les personnages LGBTQ
Masculins, blancs, prétexte à de bonnes blagues et surtout peu présents. Les personnages LGBTQ servent encore trop souvent de caution dans les films américains regrette, chiffres à l’appui, le rapport annuel de l’association GLAAD.
Au début du mois de mars 2017, l’acteur Bill Condon révélait que LeFou, son personnage dans La Belle et la Bête, le film d’animation des studios Disney, serait « ouvertement gay ». Preuves (peu rassurantes) de l’originalité de l’annonce, aussitôt un cinéma de l’Alabama décidait de déprogrammer le film, la Russie l’interdisait aux moins de 16 ans et le Koweït le retirait purement et simplement des écrans.
Pour la communauté LGBTQ, toutefois, La Belle et la Bête faisait encore figure d’espoir : l’espoir qu’un jour, enfin, la représentation des personnages lesbiens, gays, bisexuels, transexuels et queers au cinéma soit normalisée. Un espoir affermi par les performances du film au box-office mondial, qui en font à l’heure actuelle le plus gros succès de l’année.
Mais un succès ne fait pas le printemps. Jeudi 25 mai, l’association américaine GLAAD a publié son rapport annuel consacré à la représentation des personnages LGBTQ au sein des productions hollywoodiennes. Son verdict est sans appel : sur les 125 films produits par les sept principaux studios d’Hollywood en 2016, seuls 23 incluent au moins un personnage LGBTQ, soit moins d’un sur cinq. Et près de la moitié d’entre eux le(s) font apparaître moins d’une minute à l’écran. Autres enseignements : 80 % de ces personnages sont blancs et 67% d’entre eux sont des personnages masculins.
Meilleure note ? Insuffisant
Dans le détail, l’organisation attribue une mention à chaque studio en fonction de ses efforts : « excellent », « bien », « insuffisant », « mauvais » ou « médiocre » – depuis le lancement de l’étude annuelle, il y a cinq ans, aucun studio n’a obtenu la note « excellent ». Cette année, c’est Universal Studios qui s’en tire le mieux, avec la mention « insuffisant » mais des efforts remarqués pour le film Nos pires voisins 2, qui comportait, selon GLAAD, une « sous-intrigue étonnamment bien amenée ».
A l’inverse, les studios 20th Century Fox, Paramount Pictures ou encore Sony Pictures obtiennent les mentions « médiocre » ou « mauvais ». Sausage Party, par exemple, pourtant plébiscité par une partie de la critique pour son esprit joyeusement libertaire, se voit ainsi épinglé : « Les scénaristes se croyaient progressistes en incluant plusieurs personnages LGBTQ, mais leur lecture renvoie plus à du buzz (en particulier avec l’enthousiasme de la presse pour le personnage du « taco lesbien ») qu’à un humour habile permettant aux personnages LGBTQ d’intégrer les sketchs ».
Les séries et productions indépendantes plus inclusives
Si le rapport ne concerne que les films issus des grands studios américains, l’association note que la situation est bien différente du côté des productions indépendantes, largement plus inclusives pour les personnages LGBTQ. « Les exécutifs des studios devraient prendre note des succès critiques de films indépendants comme Moonlight, The Handmaiden, ou Spa Night. Il existe un public avide de ce type de contenu, avide de nos histoires », précise l’étude. De fait, le plébiscite de Moonlight (qui raconte l’histoire de Chiron, personnage afro-américain qui se bat pour vivre son homosexualité), à la fois aux Oscars et en salles, lui donne raison.
A la fin de l’année 2016, GLAAD publiait un rapport similaire sur la représentation de la communauté LGBTQ, cette fois à la télévision. Ses conclusions étaient bien plus positives : sur 895 personnages récurrents, 43 (soit 4,8 %) étaient identifiés comme LGBTQ, un record selon l’association. « D’autres résultats encourageants montrent un pourcentage record de personnages réguliers noirs à la télévision (20 % de tous les réguliers), et un record de personnages réguliers ayant un handicap (1,7 %), écrivait GLAAD. De plus, le nombre de personnages transsexuels récurrents et réguliers sur toutes les plateformes a plus que doublé depuis l’année dernière (on est passé de 7 à 16 sur la télévision, le câble et les séries en streaming). L’année dernière, la télévision n’en comptait aucun. »
Des studios hollywoodiens (volontairement) ambigus
Pourquoi les grands studios sont-ils à la traîne, surtout par rapport aux séries et aux productions indépendantes ? La peur (théorique et assez malveillante) de voir une partie du public fuir les salles face à des personnages LGBTQ à l’écran compte pour beaucoup. Comme le notait un article de Slate, beaucoup de studios préfèrent donc jouer sur l’ambiguïté. En présentant, par exemple, des personnages très proches… mais jamais explicitement homosexuels. « En soufflant le chaud et le froid, les créateurs ne font qu’attiser la flamme des fans et bien sûr s’offrent le plus large éventail possible de spectateurs, du mâle hétéro qui ne remarquera pas les subtilités glissées ici ou là aux femmes hétéros qui glousseront de plaisir devant les insinuations à la communauté LGBTQ qui se consolera comme elle peut de l’absence de romance entre personnes du même sexe dans les films et séries grand public » note ainsi très justement le journaliste Michael Atlan à propos des personnages de Sherlock et Watson dans la série Sherlock.
De la même façon, beaucoup de fans de Star Wars se sont pris à rêver d’une histoire d’amour entre entre Finn (John Boyega) et Poe Dameron (Oscar Isaac), deux personnages de la nouvelle trilogie. Mais pour l’heure, la romance est bloquée à la case « théorie de fans ». La situation sera-t-elle clarifiée dans les prochains volets de la saga ? Ce serait, assurément, un signal fort envoyé à Hollywood.
Une autre affaire témoigne assez bien du malaise entourant les studios américains : l’été dernier, des internautes avaient cru voir un couple de lesbiennes avec enfant dans la bande-annonce du Monde de Dory (et s’en étaient, légitimement d’ailleurs, réjouis). Sauf que le réalisateur du film, Andrew Stanton, semblait très mal à l’aise avec le sujet, et pour le moins réticent à le confirmer : « Elles peuvent être ce qu’elles veulent. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse », avait-il déclaré à USA Today, comme par peur d’affirmer explicitement qu’il s’agissait d’un couple homosexuel. Espérons qu’à l’avenir, la représentation des personnages LGBTQ à l’écran ira au-delà de quelques captures d’écran équivoques…
Pablo Maillé / telerama.fr
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