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La Russie s’enfonce dans l’homophobie

Mardi 11 juin, la Douma a voté deux lois, l’une réprimant la « propagande » homosexuelle et l’autre les actes « antireligieux ». Laïque par sa Constitution, la Russie se replie sur elle-même, invoquant les « traditions russes ».

La loi condamnant la « propagande » homosexuelle a été adoptée par 436 députés de la Douma. Pas un seul ne s’y est opposé, l’un d’eux seulement s’est abstenu. Le texte prévoit une lourde amende en cas d’infraction, pouvant aller jusqu’à 100 000 roubles (soit 2328 euros). Avis aux voyageurs, les citoyens étrangers tentés d’y contrevenir écoperont d’une amende et pourront être incarcérés pendant 15 jours avant d’être expulsés. Ainsi, muselés, les organes de presse sont les premiers visés. Toute entité juridique qui transgresse la loi risque une fermeture pendant 90 jours, assortie d’une amende de 800 000 roubles (18 624 euros).

Le comble de l’hypocrisie. En dernière lecture, les députés se flattent d’avoir fait preuve de « tolérance ». Par exemple, le terme « homosexualité » a été remplacé par « relations sexuelles non traditionnelles », c’est-à-dire non conformes aux « traditions russes », explique Elena Mizoulina, députée du parti Russie Juste (centre-gauche) et coauteure du texte. « Quels que soient les termes employés dans la loi, il n’en reste pas moins qu’il s’agit de discrimination », a dénoncé l’ONG Human Right Watch.

La Douma s’est en fait inspirée de mesures similaires existant déjà dans certaines villes, telles Saint-Pétersbourg. Et ce n’est pas tout. Suite à l’affaire des Pussy Riot, la Douma a réintroduit le blasphème dans la législation russe, pourtant en principe « laïque » selon la Constitution. La loi condamne tout acte « antireligieux » à une amende et une peine de prison – entre trois mois et trois ans. On ne peut que redouter la manière dont seront appliquées ces lois, au vu de retour actuel de l’ordre moral en Russie. Certains vont jusqu’à craindre un retour à la criminalisation passée de la communauté gay.

Une homophobie rampante : Poutine au diapason avec l’opinion
Au parlement comme dans la rue, l’homophobie sévit. Héritage soviétique, une majorité de Russes considère l’homosexualité comme une déviance. Décriminalisée en 1993, elle est restée taxée de maladie mentale jusqu’en 1999. Aujourd’hui encore, 42% des Russes estimeraient que les relations homosexuelles sont un crime, selon un récent sondage mené par le centre VTSIOM – proche du Kremlin.

En témoigne, l’extrême mansuétude dont ont fait preuve les forces de l’ordre à l’égard des militants et des popes orthodoxes traditionnalistes qui scandaient « la Russie n’est pas Sodome » devant le Parlement, mardi 11 juin. Tandis que face à eux, des militants homosexuels qui s’embrassaient en guise de protestation étaient interpelés.

Au nom de ces mêmes « traditions russes », plusieurs agressions mortelles ont visé ces derniers temps des membres de la communauté gay. Le 9 mai, un jeune homme a été torturé à mort à Volgograd sous prétexte qu’il était « pidor » – comprenez « pédé » – comme l’ont reconnu ses assassins. De même, le 30 mai, un homme a été tué à coups de couteaux par trois hommes, qui ont ensuite brûlé son corps. Effet collatéral : les lois autorisant le mariage homosexuel en France et au Royaume-Uni ont été de la même façon unanimement condamnées.

« Le vieux monde a semble-t-il fait son choix. (...) Faire le culte de l'homosexualité, renoncer à la notion de péché, trahir le christianisme et la famille traditionnelle, dépraver les enfants dans des familles homosexuelles - tout cela, c'est la destruction de sa propre identité, le chemin de l'autodestruction », a commenté dimanche 2 juin Dmitri Kisseliev, le présentateur de l'émission d'information hebdomadaire la plus populaire de la télévision publique russe.

En février, la députée du parti Russie Unie, Ekaterina Lakhova – coauteure de la loi interdisant aux Américains d’adopter des enfants russes – a proposé d’imposer un moratoire pour les parents adoptifs français. Depuis, la Douma prépare des amendements pour bannir les parents de même sexe de l’adoption. « Si une telle loi est adoptée par le Parlement, je la signerai » a, quant à lui, déclaré Vladimir Poutine. Ira-t-il jusqu’à offrir l’asile et un passeport russe à nos militants du Printemps français ?

source:marianne.net