Hérault : à La Salvetat, il y a de l'eau dans le gaz à cause des "Brigandes", un groupuscule d'extrême droite
"Le Parisien" s'est rendu dans cette petite commune, troublée depuis l'installation d'une communauté antisémite et homophobe.
La Salvetat est un village de l'Hérault connu pour son eau pétillante. Mais il fait également parler de lui depuis l'installation, en 2015, d'une petite communauté autour d'un groupe musical baptisé Les Brigandes, rapporte Le Parisien dans son édition du mardi 2 janvier. Selon le quotidien francilien, qui s'est rendu sur place, une trentaine de personnes appartiennent à ce groupuscule.
Les Brigandes "émoustillent l'extrême droite", rapportait déjà Le Point, en février 2016. "Si je bronche, si je résiste, je me retrouve sur la liste, j’suis un fasciste", chante par exemple le groupe, composé de trentenaires masquées, dans la chanson Antifa, qui condamne les militants antifascistes. Accompagnés de mélodies pop, les textes des Brigandes visent également les juifs, les journalistes, les francs-maçons, les homosexuels ou encore le diable.
Les Brigandes - Antifa (nouvelle version après censure)
Les Brigandes présentent... -------------------------------------------- Antifa (nouvelle version après censure) -------------------------------------------------------------- En réponse à YouT...
Ambiance délétère dans le village
Dans le village, "l'ambiance est détestable", raconte au Parisien un "Salvétois désabusé". "Les habitants se regardent en chiens de faïence. On ne sait plus qui est pro-Brigandes, qui est anti... Ça a ruiné des amitiés", observe-t-il. Une pétition a été lancée pour demander aux pouvoirs publics d'agir contre le clan, précise Le Parisien, auquel le maire de La Salvetat n'a pas souhaité répondre.
Derrière Les Brigandes, se cache en fait la société Barka Productions, dirigée par Joël Labruyère, "gourou ésotérique connu comme le loup blanc des associations de lutte anti sectes", écrit le quotidien. "Cette communauté montre des signes d'emprise chez ses membres", note dans les colonnes du journal Serge Blisko, directeur de la Miviludes, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.
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Thierry est « entré en résistance ». Objet du trouble : l'installation au village d'une communauté d'une trentaine de personnes gravitant autour du groupe musical des Brigandes. Contrairement à ce que leur nom indique, ses membres présentent bien. Elles sont jeunes, souriantes et masquées. Sur fond de mélodies folk, ces mères de famille chantent des textes complotistes et identitaires. Le groupe cartonne auprès de la « fachosphère », l'extrême droite sur le Net, et cumule plus de quatre millions de vues sur YouTube.
Leurs cibles ? L'islam, les homosexuels, les juifs, les jésuites, les journalistes, les politiques et les francs-maçons. Les multiples billets de Thierry dénonçant les paroles réactionnaires des Brigandes sur son blog lui ont valu la visite de trois membres du clan chez lui en juillet, suivie d'une vive altercation sur la place du village en novembre. Il a déposé plainte pour injures et menaces physiques.
Une boutique lugubre, six enfants déscolarisés
Avant de mettre La Salvetat dans tous ses états, les Brigandes s'y sont discrètement implantées. En 2015, le groupe reprend des classiques de la chanson française sous le nom d'Ultra Sixties. Il multiplie les concerts gratuits, des maisons de retraite aux bals populaires, en passant par le bistrot du village, le Balcon. « C'était la phase de séduction », note Arnaud*, un Salvetois désabusé
Petit à petit, les Ultra Sixties infiltrent les associations. Une aubaine pour le maire, Thibault Estadieu (DVD), qui se réjouit de la venue de trentenaires dynamiques censés relancer une économie en berne. En 2016, les Sixties accouchent d'un autre groupe : les Brigandes. Les tenues sont toujours colorées. Le style toujours pop. Mais les textes, eux, ont changé. Les chansons de Brel ont été remplacées par des « Je suis un fasciste » aux refrains scandés le bras tendu. En plein centre-ville, le clan ouvre une boutique lugubre mettant en vitrine des rituels présentés comme maçonniques, symbolisés par des candélabres et un petit crâne.
A l'école, la communauté ne cesse de remettre en cause le programme pédagogique. Un jour, le fils d'une Brigande arrive en classe sans son manuel scolaire. Sa justification ? « Maman l'a brûlé. » A la rentrée 2017, les Brigandes finissent par déscolariser leurs six enfants.
«On ne sait plus qui est pro-Brigandes, qui est anti»
Dans le village occitan, le ton monte. Au petit matin, un tag « Les Brigandes : barrez-vous » est découvert sur un pont. Comme la fameuse eau pétillante qu'on agite, La Salvetat menace d'exploser. « Les habitants se regardent en chiens de faïence. On ne sait plus qui est pro-Brigandes, qui est anti... ça a ruiné des amitiés », observe Arnaud. « Je boycotte les commerçants qui ont vendu leurs disques. Et je ne vais plus au volley, ils ont investi le club. L'ambiance est détestable. »
Christophe Pourprix, unique voisin des « maisons vertes » des Brigandes, a également déposé plainte pour menaces. Sa pétition demandant aux pouvoirs publics d'agir contre le clan a recueilli plus de 800 signatures. Pour l'instant, aucune procédure judiciaire de dissolution ne vise la communauté, qui fait quand même l'objet d'une surveillance.
Contacté, le maire de La Salvetat, Thibault Estadieu, n'a pas souhaité répondre à nos questions. Le maire est ulcéré des proportions prises par cette situation. Beaucoup craignent que cette polémique ne se poursuive désormais sur le plan politique : le Front national a atteint ici les 45 % au second tour de la présidentielle.
* Le prénom a été changé.
Une dérive sectaire ?
Derrière les Brigandes se cache la nébuleuse société Barka Productions. A sa tête, Joël Labruyère, gourou ésotérique connu comme le loup blanc des associations de lutte antisectes. Ce « penseur » a notamment créé en 1996 l'Omnium des libertés, un collectif de défense des « minorités spiritualistes ». Jointe, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) affirme avoir reçu une « bonne dizaine » de signalements à propos des Brigandes. Au moins une plainte a été déposée contre Joël Labruyère par un ancien adepte et le clan reste sous la surveillance de la Direction centrale du renseignement intérieur. « Cette communauté montre des signes d'emprise chez ses membres », note Serge Blisko, directeur de la Miviludes. « Labruyère a déjà créé plusieurs sectes sous des pseudos, comme le Nouvel Ordre mondial ou l'Ile blanche. » Le gourou se fait très rare au village. Ses deux seules apparitions publiques remontent aux voeux du maire en 2016 et 2017.
Pas facile de les approcher
Contactées par mail, les Brigandes étaient restées évasives quant à notre demande de rencontre, nous invitant à faire notre « boulot » comme on l'entend. A La Salvetat-sur-Agout, sous une pluie battante, nous décidons donc de grimper le chemin boueux menant à la propriété du clan. Nous sonnons à l'interphone. Surprise : deux Brigands, le guitariste et le secrétaire général du groupe, s'avancent en chemise blanche et chaussures vernies jusqu'au portail vert pâle. En guise de réponse à nos questions, les jeunes hommes, goguenards, nous somment de « contacter les autorités et le maire ». Ce dernier a décliné notre demande d'interview. « Tu sais combien d'albums on a fait ? » lance le plus grand. La réponse se trouve sur les cinq doigts de sa main tendue à travers le portail, à deux centimètres de notre nez. L'échange de dix minutes s'achèvera par un repli des deux gaillards sur leurs bases, sourire jusqu'aux oreilles.
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