Deux retraités cannois victimes d'insultes homophobes de la part de leur voisin
Un couple de retraités cannois, régulièrement insulté par un voisin irascible et homophobe, espérait une condamnation en correctionnelle à Grasse. En vain
Un simple problème de stationnement dans une copropriété de Cannes a tout déclenché. Deux jeunes retraités, en couple depuis des décennies, venus couler des jours heureux après une carrière bien remplie, se faisaient pourrir la vie par un voisin.
Ils subissaient régulièrement des jets de détritus sur leur terrasse, du vandalisme mais surtout des insultes homophobes répétées.
Epaulés par l’avocate niçoise Me Christelle Hallot et le centre LGBT de Nice (association des Lesbiens, gays, bi et trans), les deux Cannois ont fini par déposer plainte au commissariat.
Dans le sas d’une agence bancaire, ils venaient d’enregistrer sur leur smartphone les propos insultants de leurs interlocuteurs: "Salut les filles! Je vous enc... toutes les deux salo.... ça répond pas là, espèce de trouillards. Tu veux m’arracher les c... T’as l’habitude d’arracher les c..."
Exemple d’un florilège de propos orduriers qui a débuté en avril 2016 et s’est poursuivi jusqu’en en juin dernier.
STUPEUR ET DÉCEPTION
Le jugement vient de tomber: l’individu, un commerçant de 45 ans, a été relaxé et le parquet ne fera pas appel. Stupeur et déception du couple d’autant que le procureur de la République avait, lors du procès, appuyé les conclusions de son avocate.
"C’était la première fois en quatre ans que je parvenais à mener une telle procédure jusqu’au bout", confie Me Hallot. "On a rarement des preuves d’un comportement homophobe qui se banalise, souligne l’avocate niçoise. Et cette fois, nous avions une vidéo."
L’enquête n’étant pas assez rapide à son goût et redoutant une prescription des faits, l’avocate a cité directement le voisin de ses clients devant le tribunal correctionnel pour "injures publiques envers une personne en raison de son orientation sexuelle". Et ce malgré une consignation de 1.500 euros.
"Une somme très élevée au regard de leurs 24.000 euros de revenus annuels", note Me Hallot. Les plaignants sont arrivés forts de plusieurs attestations de voisins qui démontrent que "ces insultes s’inscrivent dans un contexte", précise l’avocate.
UNE PROCÉDURE SEMÉE D’EMBÛCHES
Sauf que la plainte visait une diffamation et des injures publiques. Or juridiquement, ces deux délits ne sont pas démontrés, selon le tribunal. "Le sas d’une agence bancaire, qui plus est fermée le jour des faits, ne peut être considéré comme le lieu d’injures publiques", explique un magistrat qui s’appuie sur "une jurisprudence stricte".
Même analyse du côté de la défense du voisin homophobe, Me Ricord. Les injures non publiques ne constituent plus un délit mais se transforment en simple contravention.
Et les premières insultes, les plus anciennes, étaient prescrites puisqu’elles remontaient à plus d’un an. Le parquet de Grasse, lui, regrette pour sa part que les plaignants et leur avocate n’aient pas laissé la police enquêter en choisissant la procédure de la citation directe.
L’association LGTB reste circonspecte tant la procédure pénale pour réprimer l’homophobie lui paraît semée d’embûches.
"Je ne comprends pas pourquoi le tribunal a estimé que les propos du voisin étaient simplement grossiers et non homophobes. Je ne vois pas dans le jugement que les juges aient statué sur le caractère public ou non des insultes", s’insurge Me Hallot.
"Encore récemment, un gamin à l’apparence très androgyne a été agressé dans un bus en raison de son physique. Nous n’avons aucune nouvelle du parquet de Nice", regrette l’avocate.
nicematin.com
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